les conflits de succession, principes, terminologie, stratégie
Nombreux sont ceux que la matière rebute : procédure réputée lente, blocages, interventions parfois conjointes du notaire et du juge (ce dernier plusieurs fois pour le même litige), tout cela mérite quelques éclaircissements :
Le schéma général :
La succession de conçoit comme ayant un point de départ et un point d’arrivée.
Le point de départ reçoit le nom d’ouverture de la succession, le point d’arrivée celui de partage (puisque la partage met fin aux intérêts communs).
Entre les deux, les parties sont en indivision.
Le corpus applicable à ces notions est très rationnel, il suffit de suivre les titres du titre I du livre III du Code Civil, lequel règle successivement de savoir
- comment s’ouvre une succession,
- qui hérite avec quelles options,
- ce qui arrive aux successions vacantes,
- comment une succession peut être placée sous administration d’un mandataire,
- le régime « légal » de l’indivision et le partage.
L’expression régime « légal » de l’indivision appelle une remarque : l’adjectif sert à distinguer les indivisions sans accord de fonctionnement entre les indivisaires (indivision légale) et les indivisions conventionnelles (c’est à dire que les indivisaires ont organisé par une convention entre eux), le mot convention est à prendre au sens civil (toute forme d’accord créant une loi que se donnent les parties à cet accord).
La plupart des litiges de succession trouvent leur source dans les difficultés attachées au partage, les indivisaires étant en désaccord sur les valeurs, les attributions, voire des indemnités d’occupation.
Il existe aussi des litiges liés à des testaments dont l’authenticité ou les effets sont contestés.
Voyons ici ce que nous pouvons observer dans les cas de successions difficiles
I - l’indivision au quotidien
Tant qu’elle dure, l’indivision peut être une source de conflits, le Code Civil décrit les prérogatives des indivisaires, sujet fréquent d’interrogations, qui se résume (articles 815-2 et suivants du Code Civil) en une classification des actes en vue de l’intérêt commun allant des actes de conservation à ceux d’administration ou ceux de disposition (plus les actes auront des effets importants sur l’actif, plus la majorité requise sera importante).
Le Code règle à ce titre les majorités requises et les conditions de couverture financière de ces actes par les indivisaires.
Le code règle aussi comment les indivisaires peuvent jouir des biens communs le sort des dettes et des fruits communs.
Il faut relever une compétence du Président du Tribunal judiciaire pour une partie de cette matière (le Président étant considéré comme une juridiction ne se confondant pas avec le Tribunal).
Ce corpus perdure tant que le partage n’est pas intervenu.
II - l’aménagement de l’indivision
Les indivisaires recherchent habituellement une issue à leur indivision, ils peuvent aménager leur indivision par une convention écrite voire par une situation de fait non aménagée.
La convention écrite est prévue par le Code Civil (1873-1 et suivants du Code Civil), rien n’empêche d’y avoir recours sur certaines parties non litigieuses de l’indivision, on le fait trop rarement.
Celui qui rédigera un tel accord veillera à ce qu’il soit conforme aux règles précitées (durée limitée, contenu de l’accord, options à apprécier sur la gérance, sort des mineurs, etc..).
III - 3 le partage amiable
C’est le processus qui aboutit à un acte de partage (même partiel) sans juge, donc seulement devant un notaire.
Il implique de régler une série de questions portant les noms de :
- sursis au partage ou maintien de l’indivision (cas où le partage pourra être temporairement empêché)
- masse partageable et calcul des lots
- attribution préférentielle
Mais fondamentalement, il y a partage amiable tant qu’il n’existe pas de difficulté empêchant l’accord ou d’absence non résolue d’un des indivisaires.
IV - 4 le partage judiciaire
IV - 4 - A - définition et mode d’ouverture
C’est le processus qui aboutit à un acte de partage ordonné et suivi par le Juge
L’article 840 du Code Civil le décrit comme devant être fait en cette forme « lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer…. »
A défaut d’accord, il faut donc saisir le Tribunal.
Cette saisine met un terme à la période amiable, dans laquelle il peut être sain de ne pas s’éterniser, d’autant que :
- la durée du partage judiciaire ne sera pas plus brève parce que la période amiable a plus duré
- le partage amiable est toujours possible même quand le Tribunal a été saisi.
Les indivisaires en désaccord subissent généralement en effet deux périodes de conflit :
- la période de recherche du partage amiable (parfois longue)
- la période de partage judiciaire
Ils sont très souvent déçus, après l’échec du partage amiable de ressentir une impression de « remise à zéro » du litige en entrant en phase judiciaire.
Comme pour nombre d’autre matières, le partage judiciaire est provoqué par une assignation.
Il est rare que l’assignation n’aboutisse pas à ordonner le partage, on observe toutefois des cas d’incompétence territoriale ou autres, mais hormis ces défauts techniques, le Tribunal ordonne le partage, appliquant en fait l’adage « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué » (Code Civil article 815).
IV- 4- B - le notaire et le Tribunal agissant ensemble
Le Tribunal intervient à plusieurs titres :
- pour ouvrir le partage judiciaire
- pour trancher les « contestations qui s'élèvent au cours des opérations de partage »
- pour « désigner toute personne qualifiée qui représentera » un indivisaire défaillant.
Le notaire désigné par le Tribunal (à ne pas confondre avec le notaire de la phase amiable) a pour office de :
- réunir les co-partageants
- d’établir un projet de partage
- de collecter leur accord (il y a alors partage sans retour devant le Juge)
- de collecter leurs désaccords (il y a alors établissement d’un procès-verbal de difficultés transmis au juge qui tranchera ces désaccords)
Cet office est résumé dans l’article 1373 du Code de Procédure Civile.
La participation technique à l’établissement du projet de partage a des enjeux importants, notamment parce que les prétentions qui n’auraient pas été intégrées à ce projet ne sont pas recevables ultérieurement devant le Juge.
D’autre part, les observations destinées à soutenir les demandes de tel ou tel indivisaire se font en forme de « dire » (écrit technique que l’on retrouve en expertise judiciaire), ces travaux doivent être aussi complets que possible et assortis de pièces pour augmenter les chances d’un accord mais aussi pour que le Tribunal constate une expression claire de la position de l’indivisaire.
l’indivisaire engagé dans un partage judiciaire a donc deux objectifs :
- alléger la charge du litige en provoquant (si possible) une issue sans jugement pour toute ou partie de l’indivision, par un partage amiable ou par une convention d’indivision.
- mettre en ordre et documenter sans attendre sa position, pour que le procès-verbal de difficultés le place en bonne position devant le juge qui tranchera les points de désaccord.
Le jugement tranchant ces désaccords ressemble aux autres en ce qu’il est susceptible d’appel, ici la procédure de cette matière rejoint celle des autres catégories de litiges civils.
Au total, l’indivisaire se retrouvant dans une situation conflictuelle a intérêt à :
- identifier les parties aménageables du litige et pouvant donner lieu à partage partiel (donc réduire le périmètre du conflit)
- passer en partage judiciaire sans tarder dès lors que l’accord n’est pas une issue vraisemblable à bref délai
- pour la partie résistant à un accord, à documenter de façon importante sa position (en Droit et en fait dès l’ouverture du partage judiciaire).